Et j’entends siffler le Cévenol…

Pendant 3 jours, les Terres du Milieu ont vécu au rythme du Cévenol, ce train qui traverse la Lozère et l’Auvergne. Une randonnée sur plusieurs kilomètres à la découverte des gorges de l’Allier. Hommage à ce train que l’on entend encore dans sa folle traversée, et qui fait battre les derniers souffles d’un coin de France aussi tumultueux que somptueux.

Traditionnellement appelée la ligne des Cévennes, cette portion de voie ferrée ne traverse pourtant qu’une petite partie du Parc National. Le tracé suit majoritairement l’Allier et le Chassezac depuis Clermont-Ferrand pour se rendre à Nîmes. Une voie ferrée unique, au sens propre comme au figuré. Sur cet énorme tronçon, le train emprunte plus d’une quarantaine de ponts et viaduc, et une multitude de tunnels. Un véritable exploit humain pour l’époque. Des travaux colossaux qui avaient commencé déjà au XIXe siècle, et qui finalement continuent encore chaque jour. Cette ligne mériterait à elle seule un classement au patrimoine mondial Humain de l’Unesco.

Elles sont difficiles et dures, comme peuvent l’être les paysages et les gens d’ici. Mais dès lors que vous êtes en adéquation, les gorges de l’Allier se dévoilent et ne laissent personne indifférent. On en tomberait amoureux au premier coup d’œil ! Ici tout est à la fois simple et compliqué. Les opposés s’attirent, et se complètent à la perfection. La vie est simple, elle s’écoule paisiblement pense-t-on. Mais se déplacer, faire de simples courses, rencontrer un médecin peuvent devenir une corvée. Poussant comme depuis des décennies les gens à quitter ce coin de paradis pour des villes plus importantes.

carte du Cévenol

La gare de Monistrol d’Allier, point de départ de notre randonnée dans les gorges de l’Allier.

Voilà aussi, ce que l’on retient d’une randonnée dans ce coin du Massif Central. Cette ligne des Cévennes, pour laquelle on est prêt à mettre le prix du billet et qu’elle continue de vivre. Ce vendredi soir, après notre randonnée, c’était émouvant de voir une scène pourtant banale ! Des enfants et adolescents qui remplissaient les rames (loin d’être pleines) et qui, à chaque gare, venaient rejoindre leurs parents, grands-parents, pour des vacances bien méritées. Le lien ici, c’est le train tout autant que la route. Parce qu’en voiture, les kilomètres s’empilent et les dangers avec. Chaque jour, presque chacune des gares du tracé continue de recevoir au moins 2 fois la visite des TER, à défaut de l’Intercité qui ne fait souvent que passer… Mais pour combien de temps ?

La vie est rythmée sur les cadences de la locomotive. Il y a le « 15h45 » en gare de Langogne, le « 19h12 » en gare de Chapeauroux. On l’entend de loin. Il ne siffle plus, il klaxonne. Mais on est encore sûr qu’il passe. Certaines longues journées d’hiver, c’est un signal qui rassure, une échappatoire. Plutôt une manière d’être sûr que des gens continueront de venir dans ces terres parfois abruptes de Haute-Loire ou de Lozère. Jusqu’au jour où l’Europe et le capitalisme, auront raison de ces voies ferrées trop coûteuses et peu rentables.

Pour le moment, c’est en partie le FRET qui maintient un semblant de vie sur les traverses. Plus que le trafic passager, qui s’étiole au profit du TGV ou du bus. Le bois circule chaque jour, jusqu’à Clermont-Ferrand ou jusqu’à Nîmes. C’est la SNCF qui gère les sillons et les passages, c’est le privé Collas qui gère le train. Les 400 mètres de bois peuvent croiser sans problème et sans ralentissement les autres convois. Et même à petite allure, c’est toujours plus simple que de passer par Lyon et ses innombrables « bouchons ».

Les trains de « tourisme » sont limités à peau de chagrin. Il faut imaginer le coût du tronçon, obligatoire à payer à la SNCF pour pouvoir faire rouler un engin. Celui-ci est important. Trop pour des associations de passionnés qui tentent de faire vivre touristiquement la ligne, et tout le territoire. Oui, les gorges de l’Allier ont peut-être un coup à jouer sur le plan du tourisme. Mais ça ne se fera pas sans le train, c’est certain. Pendants nos marches, nous n’avons croisé presque personne sur ce GR dont la promotion est pourtant faite largement. Peu de monde aussi, pour un pont du 14 juillet, dans les campings et les restaurants. Alors, les seuls qui restent et qui tentent sont synonymes de courage !

Il faut par exemple tirer un coup de chapeau à ce couple qui gère la petite épicerie-multi-services dans l’ancienne gare d’Alleyras. Grâce à eux, nous étions assurés d’un bon repas chaud le soir, de vivres pour l’étape du lendemain, de chaleur et d’informations touristiques. Imaginez en plus un point internet/fax/photocopie, des livraisons à domicile. Bref une bouffée d’air à laquelle tous les habitants peuvent encore s’accrocher.

Il y a donc eu une belle randonnée, un merveilleux voyage en train et ces moments de grande solitude où la pensée a pu s’exprimer. Il y a surtout eu de belles rencontres, avec des gens d’ici ou non, persuadés comme nous que ces villages, ces hameaux, ces vieilles pierres, ont encore le droit de vivre, au moins de survivre. Et dans cet immense défi, au milieu, en tout petit, il y a les dernières voitures d’un train qui a eu en son temps toutes les faveurs des parisiens ou des marseillais. Avant de devenir une somptueuse épine dans le pied d’une SNCF en quête d’économies et d’armes pour affronter la concurrence.





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